Publié le 6 Avril 2019
par Katie à l'ombre des mots songeurs
dansinstantanés
- Andy au soleil -
Mon affectueuse révérence posthume à mon petit ami disparu voilà deux ans passés. Pour les dix années de bonheur partagé en sa compagnie et parce que certains jours il me manque plus que d'autres...
Il s'appelait Andy. Pour moi il était souvent mon Andy Warhol, aussi strict dans l'amour exclusif qu'il nous portait que pouvait être exubérant l'artiste du même nom...
Je n'ai jamais connu un chien aussi gourmand que lui. Il mangeait de tout, jusqu'aux feuilles de salades vertes et aurait pu manger vingt-quatre heures sur vingt-quatre si on l'avait laissé faire. Seuls les champignons et l'avocat le répugnaient. Il aimait se tenir près de moi quand je cuisinais et emportait souvent un bout de carotte comme on emporte un trésor. Il ne devait sa ligne svelte, qu'il a gardé jusqu'au bout, qu'à l'attention de ses maîtres qui veillaient scrupuleusement sur l'heure et la ration du repas quotidien. (Les chiens ont l'avantage sur moi, qu'ils ne savent pas encore ouvrir les placards où se trouvent les gourmandises à grignoter... )
Petit chien adorable, avec son caractère bien trempé il serait devenu vite tyrannique sans une poigne de fer dans un gant d'amour pour le diriger.
Il adorait nos jeux. Son préféré était le jeu de la poursuite où il nous échappait avec des bonds gracieux et vertigineux dignes d'une gazelle. Il ne se lassait jamais de nos caresses qu'il savait quémander jouant d'un regard de pauvre chien battu. Il aimait aussi beaucoup se caler confortablement offert à la chaleur des rayons du soleil. Un vrai chien-chat en quelque sorte.
A toi, l'ami fidèle, qui occupe une place particulière dans mes souvenirs, j'offre ces instants...
- Cabot comme pas possible, il posait comme personne (même quand on ne lui demandait rien), quitte à supporter stoïquement la tige de verveinette qui lui chatouillait le museau en le faisant loucher -
Publié le 5 Avril 2019
par Katie à l'ombre des mots songeurs
dansmes coups de coeur
* Le garçon - Un roman de Marcus Malte *
Ou le regard violent mais plein d'une infinie tendresse porté sur notre civilisation. Le tout empreint d'une indéniable poésie.
Extrait :
(de la p. 85 à la p. 87)
Il va demeurer près de dix mois au sein de cette société. Tout l'univers est là. S'il avait l'intention de découvrir ou tout au moins de mieux cerner quelle y était sa place, quel rôle lui était dévolu, alors il faut bien constater que cette place et ce rôle s'apparentent fort en ces débuts à ceux d'un valet de ferme. Et dans cette expression n'est-ce pas le terme « valet » qui prime ? Trois décennies plus tard, quelque part dans les confins de la jungle amazonienne, un vieil Amérindien clairvoyant et désabusé lui dira en substance ceci : Votre peuple (et là-dedans il comprendra l'ensemble de l'humanité hors les quelques tribus voisines de la sienne), votre peuple n'est constitué que de valets et de maîtres, d'une grande quantité de valets et d'une petite poignée de maîtres, d'une infinité de valets, insistera-t-il, pour un unique maître au final, chaque valet aspirant de tout son cœur et de toute son âme à passer maître à son tour, mais chaque maître étant en réalité le valet d'un autre maître encore plus important que lui, et cela valant aussi pour vos dieux qui servent à n'en pas douter les desseins d'une puissance qui leur est bien supérieure, et non point bonne et charitable celle-ci, mais malveillante, maléfique, il n'y a qu'à ouvrir les yeux pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir ce que l'on vous impose, ce que vous endurez, ce que vous acceptez, il n'y a qu'à vous regarder agir et vous regarder vivre, ça crève les yeux, vos dieux sont des valets comme les autres, ni plus ni moins, si bien que si l'on fait le compte il ne reste que des milliers des millions de valets pour ce seul maître, le maître suprême, vraisemblablement cruel, vraisemblablement dément, et si tant est encore que l'on ne considère pas ce maître comme étant lui-même soumis à sa propre cruauté, subordonné à sa folie, c'est-à-dire qu'il soit en somme son propre valet. Mais comment s'en affranchir ? Demandera le vieil Amérindien. Comment votre peuple, le tien, dira-t-il au garçon, pourrait-il recouvrer sa liberté ? Tuer le maître ne fera pas de vous des hommes libres. Éliminer le maître ne permettra pas d'éliminer les valets que vous êtes. Pourquoi ? Parce qu'un autre aussitôt prendra sa place et un autre après lui, et encore un autre. Sans fin. Le cycle se poursuivra et la cohorte des valets se perpétuera. Parce que ce qui fait ce n'est pas son maître, ce qui fait un valet c'est son désir de devenir maître. Cela et rien d'autre. Tuer le maître ne serait donc d'aucune utilité, ce qu'il faut c'est tuer, c'est éradiquer le désir de l'être. Cette ambition-là, cette envie, ce besoin, il faut s'en délivrer. C'est l'unique solution. Mais il e me paraît pas, conclura-t-il, que votre peuple soit près d'y parvenir, ni même qu'il soit près de le souhaiter. Voilà la teneur du discours que lui adressera bien des années plus tard le vieil Amérindien clairvoyant et désabusé. Un discours étayé par une expérience au cours de laquelle il aura accepté, par curiosité, de quitter pour la première et dernière fois sa chère forêt et ses palmiers géants et ses tamarins dorés pour suivre une équipe d'ethnologues britanniques qui l'aura emmené à Londres et à Cambridge et à Edimbourg et dans diverses capitales d'Europe et des États-Unis et dans des villes de moindre importance où il aura eu l'occasion de rencontrer nos plus grands chefs et nos plus grands sorciers et des chefs plus petits et des sorciers moins fameux et toute une théorie de charlatans et de foules d'indigents et de souffreteux et de ce qu'il ne pourrait qualifier autrement que de sauvages et quand bien même son périple n'aura pas duré plus d'un an cela lui aura été amplement suffisant pour démonter les rouages et comprendre le fonctionnement de notre civilisation et s'en faire une opinion d'où découleraient des sentiments à notre égard qui, pour être franc, oscilleraient entre le mépris, le dégoût et la compassion. Un discours que le garçon écoutera avec attention, jusqu'au bout, sur lequel cependant il n'aura pas la possibilité de méditer, étant prononcé dans un de ces dialectes aborigènes absolument inintelligible pour lui. Sera-ce la raison pour laquelle le vieil Amérindien, au terme de son laïus, se départira soudain de son air désabusé pour éclater d'un rire sonore ? Comme s'il venait de jouer un bon tour au garçon. Comme si tout cela n'étais qu'une vaste comédie, tragique et grotesque, de la vie. Et son rire extravagant ne manquera pas de faire décoller quelque ara planqué dans la canopée ni de faire tressauter la tête humaine réduite à la taille d'un pamplemousse qu'il porte à son cou.
Publié le 29 Mars 2019
par Katie à l'ombre des mots songeurs
dansmes coups de coeur
Paul Eluard, Poète
La terre est bleue
La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
Paul ÉLUARD - Recueil "L'Amour la poésie" La terre est bleue
Je t’aime
Je t’aime pour toutes les femmes que je n’ai pas connues
Je t’aime pour tous les temps où je n’ai pas vécu
Pour l’odeur du grand large et l’odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l’homme n’effraie pas
Je t’aime pour aimer
Je t’aime pour toutes les femmes que je n’aime pas
Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu’une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd’hui
Il y a eu toutes ces morts que j’ai franchies sur de la paille
Je n’ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m’a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie
Je t’aime pour ta sagesse qui n’est pas la mienne
Pour la santé
Je t’aime contre tout ce qui n’est qu’illusion
Pour ce cœur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n’es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.
Paul ÉLUARD - Recueil "Le Phénix" (hommage à sa muse Dominique)