Episode 2 : l'armure en fer-blanc
Les premières années de ma vie sont passées à la vitesse d’une fermeture éclair qu’on zippe d’un geste tendre et harmonieux. Il y eut, bien sûr, importante par-dessus tout, la première déchirure. Du moins la première gardée en mémoire vive : l’épisode douloureux de la mise en exclusion, lorsque nous fûmes boutés dehors par des urgences de grands.
Pas vraiment des souvenirs, mais plutôt de ces empreintes indélébiles dont l’âme garde une sensibilité extrême et des dégoûts définitifs pour certaines choses de la vie.
Par exemple, il fallut apprendre une nouvelle façon de prononcer les mots. Les accents se mirent à jouer aux chaises musicales, et certains gardèrent leurs trémolos.
C’est à ce moment-là que, tout doucement, sans vraiment m’en apercevoir, j’ai commencé à forger mon armure en fer-blanc.
Dans un premier temps, cela consiste purement et simplement à détester les gares, surtout les grises qui sentent mauvais et où le vacarme est étourdissant.
Mais détester, c’est comme tourner un couteau bien aiguisé dans la douleur, ça l'excite.
Alors j’ai choisi l’oubli.
Sauf que l’oubli ça n’existe pas, il se grave quelque part, pour toujours.
...
(à suivre)