Il faut au moins toute une vie avant de commencer à soulever, à peine, les voiles de la vie...
Toute une vie à se laisser surprendre, puis se mettre à trembler d'effroi devant la cruauté de l'existence immense, devant les méfaits de mes frères humains capables de tant de pires choses.
À quoi servent les mots puisqu'on se comprend si mal ?
Tournent, tournent dans ma tête les sempiternelles questions. Pourquoi les hommes ne peuvent-ils pas vivre en paix ? Pourquoi l'appât du gain ? Pourquoi la soif du pouvoir ? Pourquoi tant de jalousie qui rend si mauvais ? N'est-ce pas suffisant de naître pour mourir demain ?
J'ai un trop-plein qui dégueule sans cesse, et ce soir, je ne peux ravaler ni ce nœud de mots qui serre à la gorge, ni la tristesse immense qui me broie en pensant à toute la misère qui engloutit le monde alors qu'il suffirait de si peu pour que nous vivions tous heureux sur notre si belle planète.
Où que mes regards se tournent, où que mon attention se porte, où que j'aille, partout l'exploitation de l'homme par l'homme, dans des conditions indignes de l'humanité. Partout le chantage et l'abomination, et ça dure depuis la nuit des temps, et de vouloir espérer en demain n'y changera rien...
Atrophiées, mes racines évanescentes n'ont de cesse de s'époumoner pour retrouver le fatras, le sol et l'humus de leur terre natale.
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Là, où de maigres souvenirs éparpillés rabâchent mon histoire à en pleurer, il ne me reste que le verbe à ressasser et la nuit pour lustrer la lumière.
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Maman, j'ai le mal de ceux auxquels je ne me suis pas frottée.
Chaque jour un peu plus, je me brûle au manque de leurs caresses, et dans un cri béant qui m'étouffe, j'embrasse de toute mon âme leurs poussières éparpillées par le vent...
L'élan de sincérité galbe l'intime d'un halo qui ne s'invente pas. Il appartient au sculpteur abouti de jouer avec l'infime imperfection de la larme pour n'en garder que l'éclat.
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La spontanéité aux ailes appliquées doit veiller, pour maintenir sa grâce, à ce qu'un petit rien du tout reste suspendu juste ce qu'il faut pour apporter sa touche légère aux dires d'une plume trempée d'émoi.
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Se donner corps et âme aux mots ne suffira pas à cerner le propos libertaire. Il faudra gommer les ombres, ou du moins les ciseler jusqu'à ce qu'elles deviennent les ombres de leur ombre, chinoisant sur l'écran blanc en exaltant l'insondable qui hurle au cœur de la nuit.
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Ainsi, de labyrinthes en labyrinthes, tailler la part du loup-y-es-tu pour tracer en pointillés attendus le chemin vers une indicible et poignante lumière.